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Moscou tenté de réhabiliter le pacteMoscou tenté de réhabiliter le pacte Soixante-dix ans après sa signature, le pacte germano-soviétique est en voie dêtre réhabilité en Russie. Ces derniers mois, les médias officiels et les historiens proches du Kremlin se sont lancés dans une véritable croisade pour sa défense. Le pacte est décrit comme un «coup de génie» de Staline, lartisan des purges, dont il est de bon ton désormais dencenser la politique. Ce discours est dangereux. «Le cocktail Molotov-Von Ribbentrop est à détonation lente. Il explose dans la tête des gens. Il mutile la conscience de la nation russe», écrit le journaliste Andreï Kolesnikov dans le quotidien des affaires Vedomosti. Alors que Moscou cherche la réaffirmation du rôle-clé joué par lUnion soviétique dans la défaite du nazisme, la lente réhabilitation sur la scène intérieure de Staline et de sa politique interroge sur la volonté russe douverture vers lEurope. Nourries dun tel terreau, les relations de la Russie avec ses voisins de lUnion européenne, la Pologne et les pays baltes (Lituanie, Lettonie, Estonie) risquent de senvenimer davantage. Signé le 23 août 1939 par Viatcheslav Molotov et Joachim von Ribbentrop, les ministres des affaires étrangères de lURSS et de lAllemagne nazie, le pacte «de non-agression» sest mué très vite en une alliance entre Staline et Hitler, prompts à dépecer lEurope de lEst et du Nord, de la Finlande aux pays baltes en passant par la Pologne. Ses protocoles secrets répartissaient leurs zones dinfluence respectives. Un tel acte, indigne dune puissance prétendument «anti-impérialiste», incita la direction soviétique à nier leur existence, cinquante années durant. Il fallut attendre la perestroïka pour que le Parlement de lURSS vote, le 24 décembre 1989, la condamnation du pacte, «non conforme aux principes léninistes», et de ses protocoles secrets, «juridiquement non fondés». Ce vote allait conduire à leffondrement de lUnion soviétique, les pays baltes sengouffrant les premiers dans la brèche. Mais la Russie de Poutine nest pas celle de Gorbatchev. Désormais, lintelligentsia «patriote», qui a pignon sur rue, défend le pacte. Na-t-il pas permis de retarder de deux ans, jusquen 1941, lentrée de lUnion soviétique dans la seconde guerre mondiale ? Et puis en 1939, «juste après le complot de Munich, lURSS était isolée», rappelle le député Iouli Kvitsinski, prompt à saluer «une initiative brillante de la part de Staline». Le politologue Viatcheslav Nikonov confirme. Son expertise pèse car il est le petit-fils de Viatcheslav Molotov. Il avait 30 ans lorsque son grand-père, proche compagnon de Staline, est mort en 1986. Son aïeul, il en est sûr, naurait jamais désavoué le pacte : «Il disait que bien des erreurs avaient été commises par la direction soviétique, il regrettait bien des vies, mais il na jamais remis en question le pacte», a-t-il affirmé à lagence Ria Novosti. Plus inquiétant, la défense du pacte a donné lieu à une offensive verbale contre la Pologne. «La Pologne aurait pu éviter lagression hitlérienne en acceptant de donner le corridor de Dantzig, en concluant un pacte de sécurité collective avec la France, la Grande-Bretagne et lURSS», estime le jeune historien Pavel Daniline. Lentrée de larmée soviétique dans ce pays, le 17 septembre 1939 «nétait pas une agression». «Il sagissait de défendre la population dun Etat qui avait cessé dexister», conclut-il. Lannexion soviétique est abondamment justifiée. «Les territoires situés dans la sphère dinfluence de lURSS faisaient partie de la Russie impériale», a déclaré, à la chaîne publique RTR, Natalia Narotchitskaïa, historienne, fervente admiratrice de Staline, envoyée par le Kremlin à Paris pour assurer le suivi du respect des droits de lhomme en France. Historien à lONG russe Memorial, Nikita Petrov sinsurge. «Cela équivaut à affirmer quun Etat a le droit dannexer des terres appartenant à des Etats souverains voisins. Replacé dans le contexte daujourdhui, ce raisonnement, échafaudé par les politologues amis du Kremlin, peut être vu comme le prélude à une remise en cause de la souveraineté des Etats nés de leffondrement de lURSS», explique-t-il. Le débat en cours, souligne-t-il, laisse de côté un élément majeur : «Impossible de ne pas prendre en compte la physionomie de lUnion soviétique de 1939 : un Etat totalitaire caractérisé par les répressions, les déportations, les exécutions massives.» Cest précisément ce que les Russes semblent avoir oublié. Ont-ils jamais su ? «Les gens continuent à croire, comme à lépoque soviétique, que larmée soviétique est entrée en Pologne en 1939 pour protéger les Polonais. La même chose est dite aujourdhui de lAbkhazie et de lOssétie du Sud (régions séparatistes de Géorgie, enjeu dune guerre entre Moscou et Tbilissi en août 2008). Selon le discours officiel, larmée russe est intervenue pour protéger les populations», affirme cet historien, spécialiste de la période stalinienne. Selon un sondage récent du centre détudes de lopinion Iouri Levada, 61 % des sondés ne sont pas au courant que les troupes soviétiques ont envahi la Pologne le 17 septembre 1939, quelques semaines après la signature du pacte. Cest dans ce contexte que le premier ministre Vladimir Poutine se rend en visite en Pologne le 1er septembre pour assister aux commémorations du 70e anniversaire du déclenchement de la seconde guerre mondiale. Que va-t-il dire ? «Vladimir Poutine se rend en Pologne avec un tout petit bagage. Il a peut-être une bonne nouvelle, mais jen doute. Que peut-il dire sur Katyn ? Cette page terrible a été mise sous le boisseau», rappelle Nikita Petrov. Varsovie attend toujours la réhabilitation des 26 000 officiers polonais massacrés par le NKDV, notamment à Katyn (Biélorussie). LURSS a longtemps prétendu quils avaient été massacrés par les nazis, la Russie a reconnu les faits. Mais les officiers polonais nont jamais été réhabilités. En 2004, les conclusions de lenquête russe sur Katyn ont été classifiées «secrètes». Pour les anciens dissidents, le pacte et Katyn étaient les symboles de la propension du régime soviétique à falsifier lHistoire. Aujourdhui, la défense du pacte «ne se fait pas au nom de lHistoire», dénonce Andreï Mironov, un ancien prisonnier du goulag. Elle est indissociable de la guerre russo-géorgienne daoût. La valorisation des acquis territoriaux résultant du pacte intervient sur fond dannexion de ces deux entités géorgiennes. La guerre a servi de tremplin à lannexion rampante de lAbkhazie et de lOssétie du Sud, où 10 000 soldats russes ont été installés. Les yeux se tournent maintenant vers la Crimée. Siège de la flotte de la mer Noire depuis la Grande Catherine, la presquîle ukrainienne est décrite comme «une terre intrinsèquement russe» par les nationalistes et lélite «en épaulettes», avide de la récupérer. Depuis la guerre daoût 2008, la Russie est en proie à la fièvre du patriotisme. Pour Nikita Petrov : «Le jargon est sportif. Nos médias décrivent la Russie comme un joueur important, comme si la politique, le service de lEtat étaient une partie de foot. Le score de ce genre de jeu se mesure en vies humaines, mais cette donnée-là nest pas prise en compte. Cest révélateur de la Russie actuelle.» Источник: http://www.lemonde.fr/europe/article/2009/08/29/moscou-tente-de-rehabiliter-le-pacte_1233266_3214.htmlТеги: Пакт Молотова - Риббентропа, Публикации в СМИ (журналы, газеты) |